Tous les salariés ne sont pas payés simplement sur la base d’un temps plein 35 heures/semaine, temps partiel ou mi-temps.
Dans certains cas et pour certaines professions, le contrat de travail s’appuie sur une convention individuelle de forfait (clause de forfait).
Le salarié est alors payé en forfait jours ou en forfait heures.
Que change la convention de forfait aux conditions de travail ? Quelle est la rémunération d’un forfait jour ? Quelles sont les conditions de la clause de forfait ? Toutes les réponses pour défendre le droit des salariés.
Définition de la convention individuelle de forfait
La clause de forfait, aussi appelée convention de forfait prévoit que le salarié n’aura pas un temps de travail annuel mais un forfait jour ou un forfait heure.
Une convention de forfait permet de sortir de la notion « restrictive » d’heures de travail hebdomadaires ou annuelles pour prévoir une rémunération forfaitaire qui comprend :
- le salaire
- les heures supplémentaires pour un certain nombre d’heures ou de jours travaillés sur l’année.
Cette clause ou convention permet donc de « sortir » de la durée légale de travail (35h/semaine) pour une durée prévue en heures (sur la semaine, le mois ou l'année) ou en nombre de jours sur une année.
Elle formalise également les conditions dans lesquelles le salarié travaillera dans le champ de ce forfait.
La convention de forfait est un mécanisme dérogeant à la durée légale ou conventionnelle de travail.
Attention : même si ce type de contrat de travail au forfait à tendance à se multiplier, il n'est toutefois pas applicable à toutes les catégories de salariés.
À quels salariés peut-on proposer une convention de forfait ?
Les salariés admissibles à une convention individuelle de forfait en heures mensuel ou hebdomadaire sont :
- les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif de l'entreprise (VRP, vétérinaires, médecins etc.)
- les salariés qui de manière générale ne peuvent pas être liés à une durée du temps de travail prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps (dépannage, service client, équipe d’intervention, commerciaux…)
Attention : les salariés appartenant au personnel roulant des entreprises de transport routier ne peuvent conclure de conventions de forfait en jours (ou en heures) sur l’année.
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Durée du travail du forfait jours et forfait heures
Durée du travail forfait en heures
Ce forfait permet de simplifier la gestion administrative de la paie en rémunérant un nombre d’heures supplémentaires accomplies de façon régulière par le salarié. Le nombre d’heures correspondant au forfait doit figurer dans la convention individuelle.
Les heures supplémentaires (dans la limite prévue dans la convention, par exemple un forfait mensuel 169 heures) ne sont pas imputées au contingent annuel d’heures supplémentaires.
Les heures supplémentaires excédant le forfait sont décomptées et payées au taux majoré ou ouvrent droit à un repos compensatoire.
Durée du travail forfait en jours
Ce forfait (obligatoirement annuel) offre une grande liberté aux salariés dans l'organisation de leur temps de travail et permet de les rémunérer sur la base d’un nombre de jours travaillés annuellement, sans décompte du temps de travail.
Le nombre de jours de travail dans l’année est fixé à un contrat de travail cadre forfait 218 jours maximum, cependant un accord collectif d’entreprise ou d’établissement peut déterminer un nombre de jours inférieur.
Dans les deux cas, le salarié n’est pas soumis au respect des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail, mais bénéficie des garanties légales en matière de repos, de congés payés et de jours fériés chômés dans l’entreprise.
L’employeur est responsable de s’assurer que les garanties légales soient respectées et que la charge de travail du salarié soit :
- raisonnable
- bien répartie
- permette un bon équilibre de l’activité professionnelle du salarié et de sa vie personnelle
Textes de loi & Jurisprudence
Code du travail : articles L 3121-53 à L3121-66
Il convient de savoir que le recours aux forfaits annuels en jours doit être prévu par accord collectif d'entreprise ou d'établissement, à défaut une convention ou un accord de branche (article L. 3121-63 du Code du travail)
Récemment, dans une affaire en date 6 novembre 2019 (Cass. soc.6 novembre 2019, n°18-19752), la Cour de cassation a décidé, sans surprise, que la convention de forfait jours en cause était nulle car cette dernière ne prévoyait pas de réel contrôle de la charge de travail.
Puis, au cours des contentieux, la Cour de cassation s'est montrée protectrice des salariés en exigeant que ces accords contiennent des clauses de suivi de la charge de travail et des échanges périodiques entre le salarié et l'employeur permettant ainsi d'offrir des garanties en matière de santé, sécurité et suivi de la charge de travail.
Ainsi, la jurisprudence a exigé que l'accord collectif relatif au forfait annuel en jours garantisse :
- le respect des durées maximales de travail, ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires, tout en garantissant le contrôle de la charge de travail (Cass. soc. 29 juin 2011, n°09-71107) ;
- une amplitude et une charge de travail raisonnables (Cass. soc. 24 avril 2013, n°11-28398) ;
- la santé et la sécurité des salariés (Cass. soc. 17 décembre 2014, n°13-23230).
Avec la loi Travail ou loi El Khomri du 8 août 2016, le contenu des accords collectifs est devenu plus exigeant en devant notamment fixer (article L. 3121-64 du Code du travail) :
- les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
- les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise ;
- les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l'article L. 2242-17.
En l'espèce, un salarié titulaire d'une convention de forfait jours, réclamait le paiement d'heures supplémentaires en estimant notamment que les dispositions de son contrat de travail étaient irrégulières pour deux raisons : d'une part, elles ne prévoyaient pas les modalités de décompte des journées ou demi-journées travaillées et, d'autre part, elles prévoyaient 208 jours de travail annuel alors que la convention collective les limitait à 207.
Pour la Cour de cassation, lorsqu'un accord collectif ne prévoit pas de mesures qui garantissent que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et que le temps de travail du salarié est bien réparti dans le temps, la convention de forfait jours est nulle.
Critères de validité de la convention individuelle de forfait
Le forfait en jours est nécessairement un forfait annuel.
Il faut par ailleurs que ces cadres ou salariés ne soient pas soumis à un système de pointage (manuel, automatique ou informatique).
La convention individuelle de forfait annuel en heures ou en jours est obligatoirement accompagnée d’un accord collectif.
L’accord du salarié est obligatoire et formalisé par la signature d’une clause ou d’une convention.
La convention individuelle de forfait en jours doit être limitée à 218 jours (ou moins selon l’accord d’entreprise).
Elle induit un renoncement du salarié aux protections légales concernant la durée maximale de travail quotidienne ou hebdomadaire. Les autres droits (repos et jours fériés ainsi que congés) sont maintenus.
Comment mettre en place une convention de forfait ?
La mise en place d'une convention de forfait obéit à trois conditions impératives, sous peine de nullité en cas de non-respect.
- Ecrit pour l'ensemble des forfaits
- Accord collectif pour les forfaits annuels
- Consultation obligatoire des représentants du personnel
Modèle de clause de forfait
Conformément à l’article de l’accord collectif de branche étendu (ou de l’accord d’entreprise) en date du (préciser), le salarié est soumis à un forfait annuel en heures selon les modalités fixées par cet accord collectif.
Conséquences :
- La rémunération annuelle brute de (montant) euros correspond à une durée annuelle de (préciser) heures. Cette rémunération sera versée mensuellement à raison d’un douzième soit (montant) euros à chaque échéance normale de la paie. Elle comprend les majorations pour heures supplémentaires dans la limite de ce forfait annuel.
- Le salarié est expressément exclu des dispositions légales et réglementaires concernant la durée du travail. La rémunération indiquée ci-dessus couvre donc l’ensemble des heures de travail que celui-ci pourrait être amené à effectuer dans l’exercice de ses fonctions.
Le forfait annuel en heures suppose un décompte du nombre d’heures effectuées par le salarié.
Le salarié s’engage à ne pas effectuer d’heures supplémentaires au-delà de ce forfait annuel sans autorisation expresse de la direction.
Les heures effectuées au-delà de ce forfait annuel et sous accord de la direction seront considérées comme des heures supplémentaires et soumises en tant que telles aux majorations et repos compensateurs conformément aux dispositions légales et/ou conventionnelles.
Le salarié s’engage à respecter toutes les procédures de contrôle des temps de travail mises en place ou à venir dans l’entreprise.
On trouve dans de nombreuses conventions collectives (par exemple le modèle contrat de travail cadre forfait jours Syntec) un exemple de convention de forfait en heures ou de convention de forfait jours modèle.
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Rémunération du salarié au forfait
Salarié au forfait heures :
La convention individuelle de forfait exprimée en heures ne fait l’objet d’aucune contrepartie prévue par le Code du travail.
La rémunération du travail doit être au moins égale à la rémunération applicable dans l’entreprise, en prenant en compte le nombre d’heures et les majorations relatives aux heures supplémentaires.
Salarié au forfait jours :
La convention individuelle de forfait en jours, en revanche, offre plusieurs contreparties de repos, de rémunération et de RTT.
Le salarié au forfait jours a le droit de renoncer à une partie de ses jours de repos prévus dans la convention à deux conditions :
- une majoration d’au moins 10 % de son salaire pour les jours de travail supplémentaires
- le nombre maximal de 235 jours travaillés (ou un nombre différent fixé par accord collectif ou par la convention collective applicable dans l’entreprise).
La rémunération du salarié en forfait jours (calcul salaire forfait jour) doit être proportionnelle à la charge de travail imposée au salarié.
Le nombre de jours de réduction de temps de travail (RTT) est calculé avec le nombre total de jours dans l’année, moins le nombre de jours total de travail annuellement, le nombre de jours de samedi et dimanche, le nombre de jours ouvrés de congés payés, et le nombre de jours fériés tombant entre le lundi et le vendredi.
Soit pour l’année 2022 : 365 - (218 + 105 + 25 + 7) = 10 jours de RTT pour un salarié au forfait jour.
La renonciation aux RTT doit faire l’objet d’un accord écrit.
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Le coin du CSE : comment contester les heures supplémentaires avec une convention de forfait ?
Le CPH a tendance à voir d’un mauvais œil les conventions au forfait, en particulier si l’employeur ne veille pas au droit à la santé et au repos de ses salariés au forfait.
Il arrive d’ailleurs régulièrement que la Cour de cassation prononce la nullité des conventions de forfait jours lorsque l’employeur n’effectue pas un suivi effectif et régulier de la charge de travail.
De plus en plus de cadres portent leur forfait jours devant la justice.
Dans les entreprises d’au moins 50 salariés dotées d’un comité social et économique (CSE), celui-ci doit être consulté périodiquement sur l’aménagement du temps de travail et la durée du travail.
Le CSE doit avoir accès aux données relatives au recours aux conventions de forfait et aux modalités de suivi de la charge de travail des salariés concernés.
Heures supplémentaires du forfait jours
Si l’employeur ne respecte pas les garanties mises en place par la convention collective, le forfait jours est « privé d’effet » et le salarié est en droit d’obtenir le paiement des heures supplémentaires effectuées.
Un salarié au forfait dispose de trois ans pour réclamer le paiement des heures supplémentaires s’il estime qu’elles n’ont pas été justement rémunérées. Au-delà de ce délai, elles sont prescrites.