La clause de délégation de pouvoir est une clause de contrat de travail qui concerne les dirigeants d’entreprise ou hauts cadres dirigeants.
Ses modalités de mise en œuvre sont strictes, car régies à la fois par le droit social, le droit civil pénal et le droit du travail.
Trouvez ci-dessous définition de la clause de délégation de pouvoir, cas pratiques et implications pour le salarié signataire et le salarié délégataire.
Définition de la délégation de pouvoir dans un contrat de travail
La clause de délégation de pouvoirs est une clause de contrat de travail par laquelle un salarié délégant transfère certains des pouvoirs liés à sa fonction et à son rôle hiérarchique à un autre salarié (délégataire).
Un dirigeant d’entreprise ou cadre haut dirigeant peut être en situation de ne plus pouvoir gérer l’ensemble des affaires de l’entreprise ou de la branche dont il a les commandes de par ses fonctions et son statut hiérarchique.
Ceci que ce soit pour des raisons personnelles (santé, absence…) ou tout simplement parce que son emploi du temps ne lui permet plus, temporairement ou non, de prendre en charge tous les aspects de sa fonction.
Dans cette hypothèse, le salarié dirigeant a la possibilité de se décharger de certaines tâches afin de pouvoir se concentrer sur l’essentiel. Ce procédé est appelé la délégation de pouvoirs.
Elle doit répondre à des règles strictes pour être valable, car elle transfère une partie de l’autorité et des responsabilités.
En aucun cas ce transfert ne signifie que les fonctions sont transmises de l’un à l’autre et échappent au délégant, qui garde son titre et son autorité. Cependant la délégation de pouvoirs permet au délégataire d’accomplir un acte ou un certain nombre d’actes déterminés au nom de la société, en lieu et place du dirigeant habituel.
Délégation de pouvoir et de signature : quelles différences ?
Attention, la délégation de pouvoir et délégation de signature n’ont pas du tout la même portée juridique.
- La délégation de signature autorise une autre personne (secrétaire de direction, assistant, directeur de service…) à signer certains actes au nom du dirigeant, mais le dirigeant reste le représentant légal de l’entreprise.
- La délégation de pouvoirs transfère au délégataire le pouvoir de représentation de la société : il engage alors la société en son nom.
Cas pratiques de salariés concernés par une délégation de pouvoirs
La délégation de pouvoir et la clause y afférant apparaissent surtout dans les entreprises de grande taille, notamment les entreprises faisant partie d’un groupe ou comprenant plusieurs branches ou établissements.
Le transfert de la responsabilité pénale (et économique !) du dirigeant implique donc des responsabilités critiques et des enjeux de taille.
La taille de la société doit donc être suffisante pour que la délégation de pouvoir soit justifiée.
Il peut s’agir :
- d’un dirigeant d’entreprise qui se dessaisit d’une partie de ses pouvoirs sur un autre cadre dirigeant (vers le directeur financier par exemple).
- d’un dirigeant d’entreprise qui confie un certain nombre d’actes définis (embauche, licenciement, transferts…) à un délégataire (directeur des RH par exemple)
- d’un dirigeant qui confie la responsabilité hygiène et sécurité d’un établissement détaché à un salarié implanté sur place (délégation de pouvoir SAS)
- d’un directeur d’association ou de fondation, qui fait une délégation de pouvoirs association à un autre cadre
- etc.
Le dirigeant garde son titre et ses fonctions.
Mais le salarié qui reçoit la délégation de pouvoir peut engager l’entreprise en son nom sur un certain nombre d’actes définis dans la liste des pouvoirs délégués. Il y a une substitution partielle des pouvoirs.
Attention : une société unipersonnelle avec associé unique n’est pas admissible à la délégation de pouvoir. Cela serait contraire aux statuts de l’entreprise.
Le délégataire, c’est-à-dire le salarié cadre qui reçoit les pouvoirs confiés par le délégant, doit obligatoirement :
- appartenir à l’entreprise
- être sous un lien de subordination avec le dirigeant
- avoir les moyens, les compétences, l’autorité et l’indépendance nécessaires pour pouvoir accomplir la mission qui lui est confiée
- accepter la délégation par un acte signé
Textes de loi
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Délégation de pouvoirs : validité
De nombreuses conditions de fond et de forme régissent la délégation de pouvoir contractuelle dans une entreprise. Pour cause : les enjeux et responsabilités engagées sont de taille !
Le transfert de la responsabilité pénale sur une tierce personne n’est pas un acte neutre.
La délégation de pouvoir devient une obligation dès lors que la taille de l’entreprise le justifie : une entreprise ayant beaucoup grandi et diversifié ses établissements par exemple ne saurait confier tous les pouvoirs à une seule personne.
Il est possible de déléguer ses pouvoirs à un salarié d’une autre entreprise, appartenant au même groupe.
La compétence technique et juridique, l’autorité et les moyens nécessaires pour accomplir la mission déléguée doivent accompagner la délégation des responsabilités vers le délégataire. On ne saurait en effet tenir responsable un employé qui n’a pas accès à toutes les informations.
La délégation de pouvoirs ne peut pas porter sur l’ensemble des pouvoirs du délégant : elle doit être circonstanciée et sans ambiguïté afin que le délégataire sache précisément ce sur quoi il sera désormais engagé.
La clause de délégation de pouvoir doit être accompagnée d’un aménagement de la preuve, à avoir un accord de délégation de pouvoir par écrit, avec le plus de détails possibles, en particulier si les délégataires sont multiples. Des subdélégataires et co-délégataires peuvent être nommés.
La délégation de pouvoir doit être limitée dans le temps. La durée doit être suffisamment longue pour permettre au délégataire d’accomplir sa mission.
D’un point de vue pénal, un dirigeant sachant que l’entreprise est en difficulté ou coupable de malversation par exemple, et qui ferait appel à une délégation de pouvoirs pour échapper à ses responsabilités, verrait la délégation de pouvoirs annulée par le juge.
La délégation de pouvoir exonère le délégant de sa responsabilité pénale dans la limite des pouvoirs transférés. Les obligations attachées à la personne même du chef d’entreprise et à ses fonctions ne sont pas susceptibles de transfert.
Modèle de clause de délégation de pouvoir
Il n’existe pas de formalisme obligatoire pour une délégation de pouvoirs.
La clause de délégation de pouvoir ou le document contractuel annexe doit cependant préciser :
- le délégant et le délégataire, en leurs noms, prénoms et qualités
- la durée de la délégation de pouvoir
- le détail précis et sans équivoque des domaines de la délégation de pouvoirs (hygiène et sécurité, gestion du personnel, relations avec les représentants du personnel, durée du travail, formalités liées à l’embauche de travailleurs étrangers, etc.)
- le détail des moyens mis à la disposition du délégataire pour qu’il puisse exercer ces pouvoirs
- le transfert sur le délégataire des obligations auxquelles le dirigeant était tenu (engagement de sa responsabilité civile et de sa responsabilité pénale)
- les incidences éventuelles sur la rémunération du délégant et/ou du délégataire (exemple : prime de délégation de pouvoir)
Le coin du CSE : comment contester une délégation de pouvoir ?
Ce qui va mettre fin à une délégation de pouvoir est la date prévue par le document contractuel, une délégation ne pouvant être à durée indéterminée. Si le délégataire souhaite renoncer au transfert des pouvoirs, il devra en informer le dirigeant auquel il est subordonné. Cela pourrait toutefois être qualifié de faute professionnelle si la délégation a été faite dans les formes et si les moyens mis à disposition du délégataire sont appropriés et justes.
Dans une délégation de pouvoir sanction disciplinaire, le dirigeant peut transférer au délégataire un pouvoir disciplinaire, à condition que celui-ci n’outrepasse pas ses fonctions hiérarchiques.
Un délégataire pourra contester une délégation de pouvoir si celle-ci est attachée à une obligation de résultat, en matière de sécurité notamment, quand il est mis en situation de licenciement pour faute grave en raison d’un manquement. L’insuffisance des moyens mis à la disposition du délégataire pour la mise en œuvre de sa délégation est un motif fréquent de contestation que l’on retrouve dans la jurisprudence.