Un salarié peut être – et est souvent – un inventeur. Dans le cadre de son emploi pour une entreprise, un salarié peut être amené à inventer (des brevets, des recettes, des procédés, des slogans, des objets, des œuvres artistiques, des logiciels…).
La question se pose alors de savoir si cette invention née du travail du salarié lui appartient individuellement ou si elle appartient à son employeur.
C’est là que le droit hésite entre le contrat de travail et la propriété intellectuelle.
Dans les entreprises créatives comme dans les entreprises technologiques, on voit de plus en plus apparaître dans les contrats de travail la clause d’invention, ou la clause de logiciel. Explications.
Définition de la clause d’invention du salarié
En France, les inventions brevetables réalisées par des salariés inventeurs peuvent être propriété de l’employeur en échange d’une contrepartie financière versée à l’employé.
La clause d’invention concerne les salariés plus particulièrement investis d’une mission créative ou d’innovation, qui est menée avec les moyens spécifiques de l’entreprise ou du matériel, des équipements ou des données procurées par l’entreprise.
Dans certains cas, une invention réalisée par le salarié peut donc être attribuée à l’employeur moyennant rétribution.
La clause qui encadre ces dispositions du contrat de travail est née des nombreux contentieux dits « des inventions de salariés » et des sommes en jeu parfois très importantes qui ont dû être arbitrées par le Tribunal judiciaire de Paris, la Commission nationale des inventions de salariés (CNIS), l’INPI…
La clause d’invention fixe deux éléments essentiels :
la propriété intellectuelle de l’invention
le montant de la rémunération supplémentaire allouée au salarié pour l’exploitation de son invention par l’entreprise.
Attention : pour bénéficier du régime précité, l’inventeur doit avoir le statut de salarié. Ainsi, il n’est pas applicable aux stagiaires et le droit au brevet n’est pas attribuable.
Droit du travail ou Droit de la Propriété intellectuelle ?
La question principale ici est celle de la propriété intellectuelle : salarié ou employeur ?
L’invention, propriété intellectuelle par définition, est gérée par un Droit spécifique.
Entrent en jeu l’INPI invention de salariés… et le Droit du travail, sachant que les deux ne sont pas toujours accordés.
Le droit de la propriété intellectuelle a pour vocation d’établir et de défendre la qualité d’auteur et lui associe celle de détenteur des droits sur la création.
Le droit du travail détermine le lien de subordination du salarié dans l’exécution de ses missions.
Le droit d’auteur ou Code de la propriété intellectuelle (CPI) protège les droits patrimoniaux : exploitation, reproduction, communication ainsi que les droits moraux liés à la paternité.
Le contrat de travail, avec la clause d’invention, va donc déterminer qui est propriétaire de l’invention réalisée par le salarié, qui en a les droits d’exploitation et permet d’éviter les risques de contentieux.
En l’absence d’une clause d’invention dans le contrat de travail, on distingue :
L’invention comme propriété de l’employeur : lorsque l’invention résulte de l’exécution d’un contrat de travail comportant une mission d’invention du salarié telles qu’études, recherches ou développement…
L’invention comme propriété du salarié : dans les autres cas.
Textes de loi
Les inventions des salariés sont régies par le Code de la propriété intellectuelle - Articles L. 611-7 à L. 611-9 et R. 611-1 à R. 611-10.
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Conditions d’application de la clause d’invention du salarié
La clause d’invention du salarié va permettre aux parties d’organiser ensemble les effets financiers consécutifs à la réalisation de l’invention par l’employé, dans le cadre de son contrat de travail.
Pour éviter le contentieux, le contrat de travail devra préciser :
- la nature inventive des missions confiées au salarié
- la rémunération des inventions
- la méthode de rémunération (somme forfaitaire, pourcentage de salaire…)
- un rappel des dispositions légales relatives aux obligations de déclaration et de non-divulgation.
Il faudra aussi déterminer de quel type d’invention il est question :
- les inventions de mission qui appartiennent à l’employeur : faites par le salarié dans l’exécution du contrat de travail
- les inventions réalisées en dehors des fonctions, mais dans le domaine de l’activité de l’entreprise ou grâce à la connaissance ou l’utilisation de techniques ou moyens spécifiques à l’entreprise ou de données procurées par elle, l’employeur. Le salarié est titulaire des droits sur son invention, mais l’employeur pourra bénéficier d’un droit de jouissance ou d’un droit d’attribution par lequel il s'attribue les bénéfices de l’invention
- Les autres inventions appartiennent au salarié et ne sont pas attribuables à l’employeur. La titularité des droits revient au salarié qui ne bénéficiera d’aucune rémunération, mais pourra jouir intégralement de son invention et en retirer les bénéfices. Si ce dernier entend s’en attribuer la propriété, il faudra, en pratique, établir une convention de cession.
Exception du droit d’auteur
Seules les inventions dites « brevetables » sont concernées par la clause d’invention. Cela exclut donc les créations esthétiques, les découvertes et théories scientifiques et les méthodes mathématiques ainsi que le droit d’auteur.
Selon le CPI, l’auteur d’une œuvre jouit sur celle-ci d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.
Le contrat de travail ne peut pas faire dérogation à ce principe.
L’employeur intéressé par l’exploitation du droit d’auteur doit passer par la cession sous la forme d’une convention distincte du contrat de travail respectant les prescriptions du Code de la propriété intellectuelle.
La clause de logiciels
Les logiciels sont soumis à un régime spécifique, distinct de celui applicable aux inventions.
La clause relative à l’invention de logiciels (ensemble de programmes, procédés, et règles et, éventuellement, éléments de documentation, relatifs au fonctionnement d’un ensemble de traitement de données) par le salarié fixe l’étendue des droits patrimoniaux sur le logiciel, sa documentation, son contenu et sa rémunération.
Attention : lorsque le logiciel n’est qu’une version développée ou améliorée d’une version créée et enregistrée avant l’embauche du salarié, les droits de propriété ne sont pas dévolus à l’employeur.
Modèles de clause d’invention
Modèle clause de propriété intellectuelle contrat de travail
Le salarié accepte que toutes les inventions, créations, productions et recherches effectuées pendant son temps de travail au sein de la Société, conformément à l’article L.611-7 du Code de la propriété intellectuelle, appartiennent à la Société.
En contrepartie, le Salarié percevra une rémunération proportionnelle de (%) par rapport à la valeur de l’invention, conformément aux dispositions conventionnelles, cette valeur est calculée par la Société.
En revanche, lorsque le salarié effectue des inventions en dehors de son temps de travail et par ses propres moyens, il reste propriétaire de ces dernières.
Toutefois, si dans le cadre de ces inventions, le Salarié a recours à des moyens acquis grâce à la Société, l’invention sera alors la propriété de l’Employeur.
Le Salarié percevra alors une rémunération juste prenant en compte la valeur de l’invention.
En cas de litige entre les parties, conformément à l’article L.615-21 du Code de la propriété intellectuelle, le litige sera présenté devant la Commission Nationale des Inventions de Salariés (CNIS), présidée par un Magistrat ou devant le Tribunal de Grande Instance de (Ville).
Modèle de clause logiciel contrat de travail
En raison de ses attributions qui comportent une mission permanente d’études et de recherches dans le domaine de (détailler) et, à ce titre, une mission inventive, le salarié s’engage à rechercher de façon permanente les moyens propres à perfectionner et faire évoluer, dans l’intérêt de l’entreprise, les procédés, méthodes, connaissances théoriques et pratiques, dispositifs, produits, savoir-faire…, concernés par le cadre des activités du service auquel il appartient et par les études générales et particulières qui seront confiées.
Le salarié s’engage, pour toute la durée du présent contrat, outre à ne pas les divulguer, à déclarer à l’entreprise toutes les inventions dont il sera l’auteur ou coauteur, en communiquant tout renseignements, dessins ou documents de quelconque nature en sa possession, relatifs à l’invention réalisée par lui ou son concours.
Il s’engage à en reconnaître la propriété à l’entreprise, à remplir à cet effet toutes les formalités et démarches nécessaires, en France et à l’étranger.
L’entreprise accordera au salarié à l’occasion de cette invention, une rémunération supplémentaire fixée en fonction des difficultés de mise au point pratique, de sa contribution personnelle originale et des bénéfices que l’invention est de nature à procurer à la société.
Par ailleurs, tout logiciel qui serait créé par le salarié dans l’exercice de ses fonctions appartiendra à l’entreprise, et tous les droits reconnus aux auteurs de logiciels dévolus à celle-ci, en vertu de l’article L113-9 du Code de la propriété intellectuelle.
Le salarié s’engage, outre à ne pas les divulguer, à déclarer à l’entreprise tous les logiciels conçus par lui en dehors de ses fonctions, cette déclaration valant offre de cession.
Dans les 15 jours, l’entreprise lui fera connaître sa position (à savoir, si elle est ou non intéressée par l’offre). Le défaut de réponse dans ce délai devra être considéré comme un refus de l’offre, et libérera le salarié en conséquence pour négocier ses droits sur le logiciel.
Enfin le salarié s’interdit de commercialiser, de reproduire ou d’exploiter les logiciels mis au point au sein de la société sous peine de dommages-intérêts (à préciser) et d’une rupture des relations contractuelles.
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Obligation de déclaration d’invention à son employeur
Le salarié doit déclarer immédiatement son invention à son employeur.
Tout salarié qui réalise une invention a l’obligation d’en faire déclaration à son employeur. Cette obligation concerne tous les salariés et toutes les inventions, qu’il s’agisse d’une invention de mission ou hors mission.
Le salarié doit déclarer son invention à son employeur en lui proposant un classement, c’est-à-dire la catégorie dans laquelle il classe son invention. S’il existe plusieurs inventeurs, ceux-ci peuvent établir une déclaration conjointe.
Quel montant pour une clause d’invention ?
La rémunération de l’invention est déterminée par les conventions collectives, les accords d’entreprise et les contrats individuels de travail.
Le calcul du montant de la prime d’invention ou indemnité d’invention se fait en prenant en compte plusieurs critères permettant de donner à l’invention un juste prix :
- le salaire
- les circonstances de l’invention
- la contribution du salarié
- les difficultés de mise au point
- les moyens employés
- la valeur économique de l’invention
- etc.
À défaut d’accord entre les parties, ce prix est fixé par la commission nationale des inventions des salariés ou par le Tribunal de Grande Instance.
Attention : les royalties brevet inventeur du salarié sont considérées comme un élément de salaire, soumis à cotisations sociales.
Le coin du CSE : comment saisir la Commission nationale des inventions de salariés ?
Antenne de l’Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI), la CNIS peut être saisie soit par l’employeur soit par le salarié, pour arbitrer de manière rapide et gratuite un contentieux de droits d’invention.
La Commission est présidée par un magistrat, assisté d’un représentant pour chaque partie.
Pour saisir la CNIS, un simple courrier en recommandé avec accusé de réception suffit, mentionnant l’objet du litige et les arguments et, d’une manière générale, tous les éléments qui peuvent être utiles à la résolution. Il faudra lui joindre la description de l’invention concernée ou le numéro de brevet, si un brevet a été déposé. Une copie de la déclaration d’invention doit être jointe au courrier.
- INPI – Secrétariat de la Commission nationale des inventions de salariés
- 15 rue des Minimes CS 50001
- 92677 Courbevoie Cedex
Chaque partie peut se faire assister par les personnes de son choix : un collègue de travail, un délégué syndical, un conseil en propriété industrielle ou encore un avocat.
La CNIS doit impérativement se prononcer dans les 6 mois.
Si la CNIS ne parvient pas à concilier les parties : elle rédige une « proposition de conciliation » qui est adressée aux parties. La proposition vaut accord entre les parties, sauf si l’une d’entre elles saisit le Tribunal de grande instance de Paris (seul habilité à arbitrer les contentieux d’invention) afin de lui soumettre le litige.
L’employeur a deux mois pour contester le classement proposé par le salarié (invention de mission ou autres). Passé ce délai, l’employeur est présumé avoir accepté le classement opéré par le salarié.
De plus, l’employeur dispose de quatre mois pour revendiquer le droit d’attribution. Cette revendication s’effectue par l’envoi au salarié d’une communication précisant la nature et l’étendue des droits que l’employeur envisage de réserver.
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