Commettre un délit d’entrave est un fait grave pour le dirigeant d'entreprise envers les représentants du personnel ou les délégués syndicaux. Il consiste pour l’employeur à porter atteinte à la mise en place et au bon déroulement de la mission des élus du CSE et à l’exercice du droit syndical.
Élus, connaissez-vous vraiment tout sur le délit d’entrave : de sa définition jusqu’aux sanctions en passant par le type de faits pouvant être sanctionnés ?
Nous revenons ici sur ce qu'est précisément un délit d'entrave CSE avec des exemples, les risques de sanctions associés ainsi que les tableaux des principaux cas de délit d'entrave.
Qu'est-ce qu'un délit d'entrave CSE ?
Entraver, au sens figuré, signifie empêcher de faire quelque chose, ou encore faire obstacle à l'exercice d'une action. Une entrave est une gêne, une difficulté, un obstacle.
Définition du délit d'entrave, que dit la loi ?
D'un point de vue légal et dans le contexte précis du droit du travail, le délit d'entrave correspond au comportement actif (action) ou passif (omission) ayant pour conséquence de porter atteinte à :
- La désignation et au fonctionnement d'une instance représentative du personnel (désormais unique, à savoir le CSE) (article L.2317-1 du Code du travail).
- Un représentant du personnel dans l'exercice de ses missions.
- L'exercice du droit syndical (article L.2146-1 du Code du travail).
Le délit d'entrave CSE est donc le fait pour un employeur d'empêcher, de gêner ou de faire obstacle à la désignation ou à l'action des représentants du personnel dans l'entreprise.
Il s'agit de toute action positive (empêcher ouvertement la libre désignation des délégués du personnel) ou négative (ne pas agir dans la mise en œuvre des élections professionnelles) qui fait obstacle à l'exercice du droit syndical ainsi qu'à la mise en place ou au fonctionnement des institutions représentatives du personnel et de ses membres. Il peut donc s'agir aussi de s'opposer à la visite de l'inspection du travail, par exemple.
C'est l'article 2317-1 du Code du travail qui le définit et liste les sanctions encourues.
Tous les salariés de l’entreprise peuvent être poursuivis s’ils ont commis un délit d’entrave.
La jurisprudence nous permet de vous en donner quelques exemples :
- Un chef d’atelier qui s’oppose au déplacement d’un délégué syndical (Cass. crim., 21-2-1978, n°77-90.627).
- Le secrétaire d’un CSE qui engage des dépenses non approuvées par la majorité des membres (Cass. crim., 4-11-1988, n°87-91.705).
- Des salariés qui s’opposent à la réintégration d’un délégué syndical ayant été irrégulièrement licencié (Cass. crim., 9-12-1986, n°86-90.552).
Le délit d'entrave existe également dans d'autres contextes :
- Le délit d'entrave à l'exercice des libertés d'expression, d'association, de réunion, de manifestation, de création artistique.
- Le délit d'entrave aux mesures d'assistance.
- Le délit d'entrave à l'IVG.
- Le délit d'entrave à l'exercice de la justice.
- Le délit d'entrave à l'exercice des fonctions d'agents du contrôle.
Quels sont les éléments nécessaires pour caractériser un délit d’entrave ?
Trois éléments sont nécessaires pour caractériser le délit d’entrave :
- Légal : l'entrave dénoncée doit figurer dans la définition du Code du Travail.
- Matériel : l’entrave doit résulter d'une action ou d'une absence d'action concrète de l’employeur.
- Moral : l’entrave doit résulter d’une volonté intentionnelle de l'employeur de prises de mesures (Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 23 janvier 1979, 78-92.407 ; Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 15 février 1994, 92-84.088 ; Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 27 février 2018, 17-81.457) ou du caractère réitéré et délibéré de son abstention (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 15 mai 2007, 06-84.318).
Qui est concerné par le délit d'entrave CSE ?
Sont concernées par le délit d'entrave, toutes les instances représentatives du personnel, désormais réduites à une unique instance et obligatoire pour toutes les entreprises de plus de 11 salariés, le CSE. Il en est de même pour les comités de groupe, comités européens et comité social et économique central qui sont également concernés.
Le délit d'entrave CSE concerne autant les membres élus de ces instances que les délégués syndicaux, les représentants de proximité et tous les salariés protégés pendant toute la durée de protection dont il bénéficie (par exemple un candidat aux élections professionnelles non élu, qui est protégé durant 6 mois suivant la date de l'élection).
Exemples de délits d'entrave possibles
Les situations suivantes constituent les délits d'entrave les plus probables :
- Élections professionnelles : refuser de les organiser ou exercer des pressions pour décourager une candidature aux élections et ainsi ne pas mettre en place le CSE, on parle aussi ici d'obstruction syndicale.
- Composition du CSE : exclure un membre du CSE, dissoudre le CSE sans raison valable.
- Réunions du CSE : ne pas les tenir périodiquement, selon le nombre minimum prévu.
- Information et consultation obligatoire du CSE : ne pas réaliser l'information-consultation du CSE sur les sujets obligatoires, ne pas consulter le CSE sur le projet de déménagement de l'entreprise.
- Base de données économiques, sociales et environnementales : ne pas la mettre en place.
- Ordre du jour et réunions du CSE : fixer ou modifier unilatéralement l'ordre du jour de la réunion du CSE, ne pas respecter le délai de communication des documents aux élus, communiquer des informations fausses, subordonner la remise de documents à l’engagement de garder le secret (Cass. crim., 4 novembre 1982, n°82-90.715), ne pas donner la totalité des informations, ne pas convoquer un représentant du personnel à une réunion, refuser d’aborder certains points à l’ordre du jour, écourter la réunion pour éviter certains sujets, rédiger le procès-verbal à la place du secrétaire.
- La délégation de pouvoir du président : désigner un salarié ne possédant pas les compétences ni le pouvoir pour assurer les réunions et qui se contente donc de prendre des notes.
- Réunion exceptionnelle : ne pas convoquer le CSE à une réunion exceptionnelle demandée par les élus, dans le respect de la procédure (Cass. crim., 11 mars 2008, n°07-80.169).
- Budget du CSE : pour les entreprises de plus de 50 salariés, ne pas verser de budget de fonctionnement au CSE ou intervenir dans l'utilisation du budget des ASC du CSE, refuser de donner au CSE les éléments permettant de calculer ses 2 subventions.
- Heures de délégation : la prise d'heures de délégation est une information qui est transmise à l'employeur, mais il n'a pas le droit d'exercer un contrôle sur l'usage de ces heures, rémunérées comme du temps de travail.
- Droit d'exercice syndical : refuser la mise à disposition d'un local syndical.
- Droit d'exercice de sa mission de représentant du personnel : limiter la circulation d'un élu en lui retirant les accès de nuit à l'entreprise.
- Salarié protégé : licenciement sans consultation du CSE et/ou autorisation de l'inspection du travail.
- Expert-comptable du CSE : lui refuser la mise à disposition des comptes de l'entreprise.
- Sanction injustifiée d’un élu : dans un but de représailles ou de pression sur les autres élus, refuser son intervention, faire obstacle à sa désignation par la menace ou les stratagèmes.
Comment savoir s’il s’agit d’un cas de délit d'entrave CSE ?
Élus, au regard des éléments précédents, dès lors que vous êtes victimes ou témoins d'une entrave aux fonctions représentatives des représentants du personnel, nous vous recommandons d'agir de la façon suivante :
- Quel est l’élément légal ? Un texte de loi, en l’occurrence le Code du travail, doit définir précisément l'infraction.
- Quel est l'élément matériel ? Une concrétisation du délit par l'action ou l'omission d'une personne portant atteinte aux représentants du personnel.
- Quel est l'élément moral ? Une intention, c'est-à-dire une action ou une omission volontaire.
Si vous avez l'élément légal, l'élément matériel et l'élément moral alors il y a bien délit d'entrave aux fonctions représentatives du personnel.
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Quelle procédure en cas de délit d’entrave CSE ?
La constatation du délit d’entrave
Après avoir remarqué qu’un délit d’entrave se produit au sein de votre CSE, il est possible d’effectuer une première démarche amiable. Celle-ci se caractérise par la demande à l’employeur de faire cesser le délit d’entrave et de régulariser la situation.
Pour vous aider, vous pouvez télécharger un modèle de lettre de demande de respect de ses obligations à la personne responsable du délit d’entrave.
Dans le cas où, cette démarche n’aboutit pas, il est important de contacter l'inspecteur du travail afin qu'il constate ce délit, le fasse si possible cesser et dresse un procès-verbal.
Pour vous aider, vous pouvez télécharger un modèle de lettre à adresser à l’inspection du travail afin de faire constater le délit d’entrave.
Sanctions et peines encourues pour le délit d'entrave CSE
Le juge pénal (tribunal correctionnel) va apprécier si le délit d'entrave est caractérisé, selon les 3 éléments déjà cités.
Les personnes pouvant initier les poursuites contre l’auteur du délit d’entrave sont :
- Les organisations syndicales qui souhaitent obtenir réparation du préjudice subi.
- Le salarié protégé victime qui peut porter plainte et/ou se constituer partie civile.
Le juge peut également être saisi par le parquet ou sur transmission d'un procès-verbal de l'inspection du travail.
Le délit d'entrave est un délit pénal
L'entrave à la constitution du CSE ou à la libre désignation de ces membres est passible d'une peine d'emprisonnement d'un an et d'une amende de 7 500 € (article L. 2317-1 du Code du travail).
Quelle sanction pour l'employeur s'il commet un délit d'entrave CSE ?
Si le délit d'entrave concerne l'exercice des fonctions ou le fonctionnement régulier des instances représentatives du personnel, il est sanctionné par une amende de 7 500 € (tel que prévu par l'article L. 2317-1 du Code du travail s'agissant des membres du CSE).
Lorsque le délit d'entrave concerne l'exercice du droit syndical, le conseil du salarié, la consultation sur le droit d'expression, la rupture du contrat de travail d'un délégué syndical ou d'un élu du CSE, les candidats aux élections ou anciens élus, l'employeur risque un an d'emprisonnement et une amende de 3 750€.
Le Code pénal ajoute des sanctions supplémentaires si l'auteur du délit d'entrave est une personne morale, le taux de l'amende légale est égal au quintuple de celui prévu pour une personne physique (article 131-38 du Code pénal). Par ailleurs, la peine peut également être accompagnée (article 131-39 du Code pénal) de :
- L’affichage ou de la diffusion de la décision.
- La dissolution de la personne morale.
- La fermeture définitive ou pour 5 ans de l’établissement ayant servi à commettre l’infraction.
- L’interdiction d’exercer définitivement ou pour 5 ans.
- Un placement sous surveillance judiciaire pour 5 ans.
Enfin, en cas de récidive, le maximum des peines d'emprisonnement et d'amende encourues est doublé (articles 132-10 et 132-14 du Code pénal).
Le délai de prescription du délit d’entrave est de 3 ans à compter du jour de commission de l’infraction.
Tableau des principaux cas de délit d'entrave
Les délits d'entrave peuvent s'opérer de différentes manières. Nous avons décidé de recenser des exemples d'entraves, ainsi que les sanctions encourues.
Sanctions encourues selon les entraves faites
Comité Social et économique (CSE)
FAITS | SANCTIONS |
---|---|
Entrave au fonctionnement régulier du CSE. | 1 an d’emprisonnement + 7 500 € d’amende (art. 2317-1 C. trav.) |
Dans une entreprise ou un établissement d’au moins 300 salariés, l’absence d’établissement ou de soumission annuelle au CSE du bilan social d’entreprise ou d’établissement. | 7 500 € d’amende (art. 2317-1 C. trav.) |
Dans une entreprise ou un établissement d’au moins 300 salariés, l’absence d’établissement ou de soumission annuelle au CSE du bilan social d’entreprise ou d’établissement. | 7 500 € d’amende (art. 2317-2 C. trav.) |
FAIT | SANCTION |
---|---|
Entrave à la désignation ou l’exercice des fonctions des représentants de proximités. | 1 an d’emprisonnement + 7 500 € d’amende (pour entrave à la désignation) et 7 500 € d’amende (pour entrave au fonctionnement) (art. 2317-1 C. trav.) |
Délégués syndicaux
FAIT | SANCTION |
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Entrave à l’exercice du droit syndical. | 1 an d’emprisonnement + 3 750 € d’amende (art. L. 2146-1 C. trav.) |
Avez-vous subi un délit d'entrave ?
Il est possible qu'au cours de votre mandat, vous ayez subi un délit d'entrave ou eu connaissance de faits relatifs au délit d'entrave.
Si c'est le cas, n'hésitez pas à nous envoyer un message pour compléter l'article afin d'aider d'autres élus dans leurs missions.