En France, on a l'habitude d’exprimer ses opinions et de ne pas les garder pour soi.
Mais qu’en est-il dans le contexte professionnel ?
Le salarié peut-il tout dire à ses collègues ou à son employeur, au nom du droit d’expression ?
Ce dossier vous propose de comprendre l’utilité du droit d’expression pour garantir la dignité et la sécurité au travail et le devoir de réserve et de confidentialité des salariés.
Définition, cadre réglementaire, limites et rôle du CSE pour informer et accompagner les salariés au sujet de leur droit d’expression au travail.
Définition du droit d'expression des salariés
Le droit d'expression des salariés existe en miroir de celui des citoyens. C’est un pilier fondamental de la démocratie et de la liberté syndicale.
Il donne aux travailleurs de défendre leurs droits, de donner leur avis, de participer aux décisions et de défendre leurs intérêts et ceux de l’entreprise.
- les conditions de travail
- les décisions et orientations de l'entreprise
- les pratiques managériales
- les questions sociales et syndicales
- la santé et la sécurité au travail
- etc.
Le droit d’expression peut donc aller de l’expression syndicale au droit de consultation et de réunion en passant par les instances représentatives du personnel et les discussions avec la direction, dans le cadre des règles éthiques et légales.
Le droit d’expression peut être :
- individuel : chaque salarié peut en user par une démarche personnelle, quelle que soit sa place dans la hiérarchie
- collectif : chacun peut s’exprimer en tant que membre d’une unité élémentaire de travail (équipe, atelier, bureau, chantier).
- direct : lors d’un entretien individuel avec le management
- par l’intermédiaire des instances représentatives (CSE, représentant du personnel…) : souvent dans ce cas il s’agit de négociations ou revendications syndicales ou d’un ensemble de salariés qui partagent des préoccupations communes
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Que dit la loi sur le droit d’expression des salariés ?
Dans le Code du travail, c’est la partie consacrée à l’expression directe et collective des salariés (Articles L2281-1 à L2283-2) qui encadre les dispositions communes sur l’expression des salariés : «Les salariés bénéficient d'un droit à l'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail.» (Source : Légifrance)
Le droit d’expression des salariés (Code du travail) ne passe pas nécessairement par les institutions représentatives du personnel, un cadre formel de réunion, de groupe de travail, de bilan, etc. Il peut s’exprimer à n’importe quel moment dans le contexte professionnel.
Le droit d’expression est directement lié au travail, notamment aux conditions de travail et au poste de travail. Il peut s’entendre aux suggestions de la direction pour améliorer la qualité de la production (loi du 3 janvier 1986).
La loi oblige toute entreprise où a été désigné un délégué syndical à négocier les modalités d’exercice du droit d’expression de ses salariés (Loi Auroux ou Loi du 4 août 1982 droit d'expression des salariés) dans le cadre d’un accord droit d'expression des salariés.
Quelles différences entre le droit d’expression du salarié et la liberté d'expression ?
La liberté d'expression est un droit constitutionnel fondamental reconnu par l’article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : «Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi».
Et par l’article 11 : «La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.»
Si la liberté d’expression concerne la vie publique, en revanche le droit d'expression des salariés concerne spécifiquement le contexte professionnel.
Comment exercer son droit d’expression en entreprise ?
Bien entendu, le canal d’expression le plus courant et le plus facile du salarié en entreprise consiste à passer par les instances représentatives :
- CSE
- Représentant du personnel ou délégué syndical
- Services des Ressources humaines
- Dans certains cas, cela peut aller jusqu’à l’exercice du droit de retrait ou du droit de grève, voire du droit d’alerte.
De plus en plus, les entreprises ont une politique «porte ouverte» qui incite les salariés à s’exprimer régulièrement sur l’activité et les conditions de travail, lors de réunions, séances de brainstorming, baromètres sociaux, évaluations à 360 degrés, etc.
Ces récentes années, les employeurs ont effectivement bien compris que le management participatif et l'encouragement de propositions constructives et étayées étaient un excellent moyen d’améliorer l’engagement des salariés et l’esprit d’appartenance à l’entreprise.
10 exemples d’utilisation du droit d’expression au travail
- Participer aux réunions du comité d'entreprise ou du CSE pour soulever un problème de sécurité.
- Faire des suggestions d'amélioration des conditions de travail.
- Dénoncer des situations de harcèlement moral ou sexuel.
- Proposer des mesures de surveillance des coûts.
- Exprimer des désaccords avec la politique de rémunération de l'entreprise.
- Faire part de préoccupations concernant le manque d’effectif.
- Dénoncer des irrégularités ou des fraudes (sous réserve de preuves).
- Participer à des mouvements de grève ou à des actions syndicales.
- Contribuer aux négociations collectives.
- Agir en tant que lanceur d’alerte.
Quelles sont les limites du droit d’expression professionnel ?
Les salariés ont des droits (le dialogue social en est un) et des devoirs (la confidentialité et le respect de l’autorité par exemple).
Le droit d’expression des salariés est encadré par le Code du travail, le Contrat de travail, l’Accord de confidentialité et certains codes déontologiques professionnels, qui permettent d’assurer un équilibre entre les intérêts des employeurs et des employés, des professionnels et de leurs clients, ou des médecins et de leurs patients.
Les salariés n’ont pas le droit de porter préjudice publiquement à l’image de leur entreprise ou à leurs collègues.
Il existe plusieurs exceptions ou limites à la liberté d’expression, prévues par le Code pénal :
- Le délit de provocation publique à la haine raciale
- La Loi Gayssot 1990 contre les opinions révisionnistes criminalise les propos négationnistes concernant l'existence des crimes contre l'humanité commis par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale
- Les propos racistes, sexistes, xénophobes et discriminatoires de manière générale exposent également leurs auteurs à des sanctions pénales
- La diffamation
- Les injures
- La divulgation de secrets industriels et le non-respect de la confidentialité (des clients par exemple)
- Le harcèlement sexuel ou moral
Les salariés doivent par ailleurs respecter le règlement d’entreprise et les règles de courtoisie, préserver la confidentialité des informations sensibles, et faire preuve de responsabilité dans l'exercice de leurs libertés.
Les abus ou les comportements contraires à l'éthique peuvent faire l’objet de sanctions disciplinaires, puisque seul un abus de droit peut constituer une faute ou un motif de sanction.
À titre d’exemple, il n’y a pas d’abus de la liberté d’expression dans le cas de critiques émises pour sauvegarder des emplois et de protéger l’existence de l’entreprise, mais il y en a à remettre en cause de manière infondée la loyauté du dirigeant ou en s’exprimant par voie de presse pour calomnier l'entreprise.
Droit d'expression et médias sociaux
Le droit d'expression des salariés sur les médias sociaux est généralement protégé dans la mesure où il est exercé de manière responsable. Les salariés ont le droit d'exprimer leurs opinions, de critiquer les pratiques de leur entreprise, de partager des informations sur leurs conditions de travail, etc.
Attention, les médias sociaux ont transformé la manière dont les individus interagissent, communiquent et partagent des informations, y compris dans le contexte professionnel.
L'utilisation des médias sociaux peut soulever des questions particulières en matière de droit du travail et de protection des intérêts de l'entreprise.
En revanche, les publications inappropriées, diffamatoires, ou divulguant des informations confidentielles peuvent entraîner des conséquences juridiques et disciplinaires pour les salariés.
- De plus, les propos tenus sur les médias sociaux peuvent avoir un impact sur l'image de l'entreprise.
- Respecter les règles de confidentialité et de propriété intellectuelle de l'entreprise.
- Éviter les commentaires diffamatoires, offensants ou discriminatoires.
- Ne pas divulguer d'informations sensibles ou confidentielles.
- Assumer la responsabilité de ses propos et éviter les conflits d'intérêts.
- Être conscient des répercussions potentielles de ses publications sur l'image de l'entreprise.
Les CSE peuvent sensibiliser leurs salariés aux enjeux liés à l'utilisation des médias sociaux en milieu professionnel.
Des sessions de formation sur les bonnes pratiques, les risques et les conséquences juridiques peuvent aider à prévenir les incidents et à promouvoir une utilisation responsable des médias sociaux.
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Le rôle du CSE dans le cadre du droit d’expression des salariés
L’le CSE a fonction notamment de faciliter et de protéger le droit d'expression des salariés dans l’entreprise, qu’il soit exercé de manière directe, individuelle ou collective.
Le principal point que le CSE doit garder à l’esprit dans une démarche de droit d’expression est le respect du cadre de cette liberté (clauses de confidentialité, devoir de réserve, propos outranciers ou injurieux…) et à éviter toute forme d’abus de la liberté d’expression.
À cette fin le CSE peut mettre à disposition sur le tableau d’affichage de l’entreprise un droit d'expression des salariés PDF.
Le CSE doit également garder un œil sur le délit d’entrave de l’employeur et protéger les lanceurs d'alerte ou les victimes de harcèlement.
Enfin, le CSE doit veiller à ce que les sanctions disciplinaires ne condamnent pas le droit d’expression s’il est effectué dans le cadre raisonnable.
- Mise en place du droit d’expression des salariés (démarche d’expression des salariés)
- Vérification des accords d’entreprise, règlement intérieur et clauses particulières de discrétion et de réserve prévues au contrat de travail
- Outils et organismes de soutien disponibles
- Consultation d’un avocat
- Transmission à l'employeur des demandes et propositions des salariés
- Mise en place d’espaces de discussion
- Donner des garanties pour assurer la liberté d’expression
La formation sur le droit d'expression du salarié
Pour se former sur le droit d'expression, les salariés peuvent recourir à diverses sources d'information :
- Les syndicats et les organisations professionnelles qui proposent des formations spécifiques.
- Les ressources en ligne, telles que les guides pratiques et les articles spécialisés.
- Les formations dispensées par les entreprises elles-mêmes ou par des organismes externes.
- Les consultations juridiques auprès d'avocats spécialisés en droit du travail.
Voici un exemple de structure pour un tel programme de formation.
Favoriser l'Expression des Salariés : Droits, Pratiques et Négociations
Objectifs :
- Comprendre le cadre légal du droit d'expression directe et collective des salariés.
- Identifier les mécanismes permettant de faciliter l'expression des salariés au sein de l'entreprise.
- Reconnaître l'importance de l'expression des salariés pour le bien-être au travail et la performance de l'entreprise.
- Développer des compétences de communication et d'écoute active pour les managers et les équipes RH.
Durée :
2 jours (14 heures)
Public Cible :
- Managers
- Représentants du personnel
- Équipes des Ressources Humaines
- Salariés intéressés
Programme :
Jour 1 : Comprendre le Droit d'Expression des Salariés
- Introduction au droit d'expression
- Définition et cadre légal
- Historique et évolution
- Droit d'expression individuel vs collectif
- Les enjeux de l'expression des salariés
- Bien-être au travail
- Innovation et performance de l'entreprise
- Prévention des conflits
- Atelier de réflexion
- Étude de cas : exemples de bonnes et mauvaises pratiques
- Discussion en groupe sur les expériences personnelles
Besoin d'une formation CSE / SSCT ? Billetterie ? Compte rendu ? Site Web ? Assistance ou un besoin spécifique ?
Jour 2 : Mettre en Pratique le Droit d'Expression
- Mécanismes et outils facilitant l'expression
- Boîtes à idées, enquêtes internes, réunions d'équipe
- Le rôle des représentants du personnel
- Canaux de communication digitale
- Développer les compétences de communication
- Techniques d'écoute active
- Encourager la prise de parole
- Gérer les désaccords et les critiques constructives
- Atelier pratique
- Mise en situation et jeux de rôle
- Élaboration d'un plan d'action personnalisé pour améliorer l'expression dans son environnement de travail
- Conclusion et évaluation
- Récapitulatif des apprentissages
- Feedback sur la formation
- Engagement des participants à mettre en œuvre les connaissances acquises
Méthodes Pédagogiques :
- Présentations interactives
- Discussions de groupe et partage d'expériences
- Études de cas et analyses
- Ateliers pratiques et jeux de rôle
Ce programme est adaptable en fonction des besoins spécifiques de l'entreprise et du public cible, et peut inclure des modules supplémentaires ou des approfondissements sur certains thèmes.