La réforme du Code du Travail par les ordonnances de septembre 2017 est la dernière réforme majeure du droit du travail. Pourtant les lois n’ont cessé de faire évoluer, depuis sa première version en 1910, le Code du travail et la loi Auroux en a modifié plus d’un tiers lors de sa promulgation, il y a 34 ans.
Du nom du ministre du Travail sous la première présidence de François Mitterrand, la loi Auroux (que l’on peut désigner également au pluriel) est constituée de 2 ordonnances et de 4 lois. Ces textes ont renforcé le droit d’expression des salariés et la loi Auroux a notamment doté le comité d’entreprise d’un budget de fonctionnement. Elle a consacré l’obligation d’une négociation collective annuelle et créé le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ainsi que le droit de retrait.
Retour sur cette loi Auroux de 1982, qui a constitué une avancée majeure pour le dialogue social en France.
Les principaux changements des lois Auroux
La loi Auroux, sur le droit d’expression des salariés, a apporté un certain nombre d’innovations.
La loi Auroux, sur le comité d’entreprise, a permis des précisions essentielles à son fonctionnement, tel qu’il existe encore actuellement, même s’il est devenu le Comité Social et Économique (CSE).
Enfin, la loi Auroux, sur la négociation collective, a posé l’obligation qui constitue le fondement des règles que nous connaissons aujourd’hui.
En résumé, les lois Auroux instaurent :
- l’interdiction de toute discrimination, en raison d’opinions politiques, d’activités syndicales ou de convictions religieuses du salarié, par le chef d’entreprise ou les dispositions du règlement intérieur de l’entreprise ;
- le droit d’expression des salariés sur leurs conditions de travail ;
- une dotation minimale de fonctionnement attribuée au comité d’entreprise, et égale à 0,2% de la masse salariale ;
- le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) qui fusionne et remplace les anciens comités préexistants ;l
- la négociation collective obligatoire annuellement dans l’entreprise sur les salaires, la durée et l’organisation du travail ;
- le droit de retrait du salarié, en cas de situation de danger grave et imminent.
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Création du lien entre droit de travail et partenaires sociaux
Les lois Auroux sont portées devant l’Assemblée Nationale en 1982 par le ministre du Travail, Jean Auroux, sous le premier mandat du président de la République, François Mitterrand.
Elles reforment profondément le Code du Travail, en modifiant plus de 300 articles, pour que l’entreprise ne soit pas “le lieu du bruit des machines et du silence des hommes”, selon Jean Auroux lui-même.
Après son élection en 1981, et dans un contexte économique tendu, le Président de la République commande au ministre du Travail, un rapport sur les droits des travailleurs. Jean Auroux, qui n’a pas d’expérience en droit social, va le réaliser avec l’aide d’une membre de son cabinet, spécialiste des relations sociales en France, Martine Aubry.
Le rapport est inspiré de l’aspect social de la gauche chrétienne et la notion de démocratie sociale. Il porte la volonté d’approfondir le dialogue social dans les entreprises et l’idée de responsabiliser les différents acteurs sociaux dans l’entreprise.
Le rapport s’articule autour de 2 idées majeures :
- les principes de la démocratie et la citoyenneté doivent s’appliquer au sein de l’entreprise, “citoyens dans la cité, les travailleurs doivent l’être aussi dans leur entreprise” ;
- le droit du travail doit promouvoir les initiatives des partenaires sociaux pour organiser le travail dans l’entreprise et il ne faut pas mettre en place une législation “pesante composée de blocages”.
Source : Jean Auroux Ministre du Travail LES DROITS DES TRAVAILLEURS
Ce sont ces idées qui seront la base du contenu des 4 lois qui suivront la publication du rapport et porteront le nom d’Auroux. Ces lois sont considérées comme une étape fondamentale pour le dialogue social dans l’entreprise en France, à travers la volonté d’instaurer une culture de la négociation.
Toutefois des critiques se sont élevées sur l’absence de remise en cause de l’autorité du chef d’entreprise, pour aller vers un modèle de cogestion. L’absence de sanctions en cas de manquements ne permettant pas une négociation réellement équilibrée a aussi été soulignée.
Enfin l’historien Matthieu Tracol, auteur de “Changer le travail pour changer la vie ? Genèse des lois Auroux” rappelle également que les lois Auroux ont surtout donné des outils à des syndicats qui étaient à cette époque “en perte de substance et de vitesse”.
Par ailleurs, l’inspiration de ces lois est apparentée aux idées portées à l’époque par la CFDT sur la volonté d’une négociation sociale équilibrée et de démocratie participative appliquée à l’entreprise.
Contenu des lois Auroux
Les lois Auroux sont constituées de 4 lois, promulguées entre août et décembre 1982 et chacune concerne un des différents volets du dialogue social qu’elles modifient en profondeur.
La loi Auroux et l’expression des salariés
La loi du 4 août 1982 concerne les libertés des travailleurs dans l’entreprise. Elle instaure notamment l’obligation d’un entretien préalable en vue d’un licenciement et le recours au Conseil des Prud’hommes. Le texte introduit l’obligation d’un règlement intérieur dans les entreprises et accorde un droit d’expression des salariés directe et collective, sur le contenu et l’organisation de leur travail.
La loi Auroux et le comité d’entreprise
La loi du 28 octobre 1982 concerne le développement des institutions représentatives du personnel. Elle renforce la protection des représentants des salariés notamment contre le licenciement et détaille les moyens à la disposition des délégués syndicaux.
Le texte prévoit l’attribution d’un budget de fonctionnement pour les comités d’entreprises, qui doit correspondre à 0,2% de la masse salariale, versé par l’employeur.
À noter : Il détaille l’obligation d’information et de consultations des comités d’entreprise sur tout ce qui peut affecter l’organisation du travail. Ils peuvent avoir recours à un expert et doivent être saisis pour des projets de réduction d’effectif, en temps utile, pour rendre un avis.
La loi Auroux et la négociation collective
La loi du 13 novembre 1982 concerne la négociation collective et le règlement des conflits collectifs au travail. Elle prévoit l’obligation d’organiser, au niveau de la branche et de l’entreprise, une négociation annuelle, notamment sur les salaires et l’organisation du travail. Toutefois il n’est pas obligatoire que les négociations aboutissent nécessairement à un accord.
La loi ouvre ainsi la possibilité de conclure, dans certains domaines et selon des conditions précises, des conventions ou accords collectifs, qui vont permettre de déroger aux dispositions législatives ou réglementaires. Enfin elle encadre strictement les conditions de ces accords et le droit d’opposition des organisations syndicales non signataires.
La loi Auroux et le CHSCT
La loi du 23 décembre 1982 concerne les comités d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail (CHSCT), auxquels elle donne naissance, dans les entreprises de plus de 50 salariés. Le CHSCT doit être consulté avant toute décision concernant la modification des conditions de travail. Il peut effectuer des enquêtes en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. C’est également cette loi qui instaure le droit de retrait du salarié en cas de danger grave et imminent.
Vidéo explicatives de la loi Auroux
« Le silence des hommes derrière le bruit des machines ». Source Café Citoyen Santé Travail.
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Impacts sur le dialogue social
Les lois Auroux ont modifié plus d’un tiers du Code du Travail et ont ainsi posé les bases de la conception du dialogue social en France. Celui-ci repose donc sur une culture de la négociation, sans remettre en question le fondement de l’autorité de l’employeur.
Les lois Auroux avait la volonté de rééquilibrer le pouvoir des instances représentatives du personnel, et des organisations syndicales, face à l’employeur au sein de l’entreprise, sans pour autant aller vers un modèle de cogestion.
Si le droit d’expression des salariés tel qu’énoncé dans la loi d’août 1982 n’a pas eu les effets escomptés dans les faits, la loi Auroux a renforcé le rôle et amélioré la protection des instances représentatives du personnel.
Elle a promu la négociation collective comme un outil fondamental à la vie d’entreprise et participant même à la construction du droit du travail.
Le but majeur des lois Auroux, le rééquilibrage des forces en présence pour favoriser l’obligation de négociation, sans pour autant l’obligation d’accord, constitue aujourd’hui encore le fondement même du modèle du dialogue social à la française.
Le renforcement et l’affirmation des rôles du CE et du CHSCT ont été permis par les lois Auroux. Ils seront fusionnés, suite aux ordonnances de septembre 2017, dans une unique instance représentative le Comité Social et Économique (CSE) pour toutes les entreprises de plus de 11 salariés.
Toutefois, c’est sur la base de ces lois Auroux que les instances représentatives du personnel, regroupées au sein du CSE, ont aujourd’hui un avis consultatif sur les sujets majeurs de l’entreprise.
Enfin, c’est également encore sur la base de ces lois que le droit du travail et le dialogue social reposent sur de nombreux accords et conventions collectifs, de branche ou d’entreprise.
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