La mise au placard, bien qu’étant perçue comme une pratique d’un autre âge dans tous les bons manuels de RH, reste malheureusement une pratique courante.
Qu’il s’agisse de mise au placard dans la fonction publique ou dans les entreprises de droit privé, certains salariés sont écartés et mis de côté de la vie de leur entreprise, en attendant qu’ils se lassent et partent, épargnant à l’employeur de précieuses indemnités.
Quels sont les droits des salariés mis au placard ? Comment réagir et aider un salarié placardisé ? Toutes les explications dans cet article.
Rappel de la définition d’une “Mise au placard”
Qu’est-ce qu’une mise au placard ou placardisation ?
Une mise au placard est une expression utilisée dans le monde professionnel pour désigner une stratégie de sortie appliquée à un employé, pour le motiver à partir de son propre chef.
Placardiser ou évincer un employé (synonyme de mise au placard) peut prendre différentes formes, telles que le retrait de certaines responsabilités, des tâches confiées particulièrement ennuyeuses, l’exclusion de certaines réunions, le transfert dans des services difficiles ou sans grand intérêt, etc.
L’idée générale étant que le salarié perd toute motivation et démissionne. L’employé ne bénéficie ainsi pas de primes de licenciement et l’employeur s’épargne quelques procédures.
Bien que ce type de pratique soit plutôt réservé aux cadres ou aux salaires conséquents, la mise au placard peut également concerner de simples employés devenus indésirables.
Certains pays, tels que le Japon par exemple, sont réputés pratiquer la mise au placard de manière abusive, en contraignant les salariés à des tâches particulièrement ingrates ou difficiles.
Une pratique non officielle
Bien entendu, la mise au placard n’est pas une pratique officielle en matière de RH, et les droits des employés mis de côté sont protégés en France, bien que la pratique persiste.
À noter que la rupture conventionnelle a également permis de diminuer le nombre de mises au placard.
Membres du CSE, comment aider un salarié mis au placard ?
Un salarié qui s’estime victime d’une mise au placard doit réagir rapidement :
- Demander une entrevue avec les RH
- Demander une entrevue avec son manager direct et éventuellement la direction
Si ces rendez-vous n’aboutissent pas ou si la hiérarchie fait preuve d’immobilisme, le salarié peut consulter un avocat en droit du travail afin d’étudier la possibilité de poursuites avec indemnité pour mise au placard.
Dans tous les cas le salarié aura la possibilité de rencontrer son CSE ou représentant syndical pour se renseigner sur la marche à suivre, comme la présentation à son employeur d’un modèle lettre mise au placard dans lequel le salarié questionne ses conditions de travail et le traitement dont il fait l’objet.
Représentant du CSE, votre rôle de conseil dans un cas de harcèlement doit orienter le salarié à constituer un dossier pragmatique et très bien documenté :
- L’employé doit consigner les faits précis et des preuves qui le mènent à déduire qu’il subit une mise au placard
- Il est important que le salarié reste actif et impliqué au sein de l’entreprise, ne cède pas à l’absentéisme et à d’autres fautes professionnelles qui pourraient se retourner contre lui
- L’employé peut demander des témoignages à des tiers
- La mise au placard est-elle réelle ou fantasmée ? Invitez le salarié à échanger avec ses collègues pour vérifier que ses doutes sont fondés. Peut-être ne s’agit-il que d’un malentendu ou d’un défaut d’organisation et de répartition des tâches de travail.
Quels sont les employés qui peuvent être mis au placard ?
La mise au placard est totalement arbitraire, parce que l’employeur n’apprécie pas une personne et qu’il souhaite la remplacer, parce que le salaire de l’employé est devenu trop élevé avec l’ancienneté, parce que le salarié est trop vieux et plus assez « dans le vent » ou conforme à l’image que l’entreprise revendique, etc.
En substance, la mise au placard peut toucher n’importe quel salarié dont l’employeur veut se débarrasser sans avoir à passer par la case licenciement (et les indemnités qui vont avec).
Formation CSE Référent Harcèlement
Nous vous aidons dans votre rôle de Référent Harcèlement . Exemple de thématique :
- Réagir à un signalement de harcèlement
- Les formes de harcèlement moral et sexuel
- La responsabilité de l’employeur et risques
Comment reconnaître les signes d’une mise au placard ?
Certains employeurs peu scrupuleux ont une imagination débordante pour ce qui est de pousser lentement leur employé vers la sortie… Le témoignage de mise au placard peut aller de la bouderie temporaire au véritable harcèlement moral :
- L’employé voit ses conditions de travail se dégrader
- Les tâches qui lui sont confiées sont moins intéressantes
- Les dossiers importants ou le travail en général sont de moins en moins nombreux
- L’employé n’est plus convié à des réunions auxquelles il participait avant
- L’employé n’est plus concerté
- L’employé mis au placard se voit retirer des membres de son équipe
- Le salarié se sent tenu à l’écart, inutile
- Les demandes de rendez-vous avec la direction sont ignorées ou repoussées
- L’employé a le sentiment que ses collègues discutent dans son dos
- Ses idées ou suggestions ne sont pas prises en compte
- Des éléments importants ne sont pas portés la connaissance du salarié
- Les plannings de l’employé placardisé sont modifiés sans raison et sans qu’il ait été prévenu
Certains cas particulièrement flagrants et abusifs de mise au placard consistent à éloigner physiquement le salarié dans un bureau isolé, à ne plus lui fournir les outils de travail adapté ou à pratiquer de la discrimination ouverte en interne (dénigrement, moqueries…)
La mise au placard après un arrêt long
Un cas assez récurrent de mise au placard est celui d’employés qui reviennent au travail après une longue absence pour congé maternité ou arrêt maladie. L’entreprise a continué de fonctionner sans eux, s’est réorganisée et n’a pas vraiment besoin de réintégrer l’employé longtemps absent.
À son retour, on le déplace dans un autre service, lui donne des tâches moins valorisantes…
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Pourquoi la mise au placard caractérise-t-elle une forme de harcèlement moral ?
La mise au placard consiste en une forme de harcèlement moral de l’employeur, ou qui est laissé faire par l’employeur, d’après l’article L. 4121-1 du Code du travail.
Si la mise au placard répond aux critères du harcèlement moral dans le cadre professionnel, c’est parce qu’il se fait par des agissements répétés entraînant la dégradation des conditions de travail du salarié victime.
La mise au placard est donc une atteinte aux droits du salarié, qui a pour conséquence une dégradation de sa santé morale (mise au placard psychologie), parfois physique, et qui entrave son évolution professionnelle. La mise au placard aboutit souvent à un arrêt maladie.
D’autres voient la placardisation comme une sanction disciplinaire qui ne dit pas son nom.
Dans tous les cas, mettre au placard un employé, en plus de le démotiver et de nuire considérablement à l’ambiance de travail, va aussi montrer aux yeux de tous que cet employé est mal vu par sa hiérarchie.
La mise au placard dans le Code du travail
À la question la mise au placard constitue-t-elle une faute de l’employeur, la réponse est oui ! Bien que la mise au placard ne soit pas spécifiquement prévue dans le Code du travail, elle est une infraction à deux lois :
- L’employeur est tenu de fournir à l’employé le travail prévu dans son contrat (article 1194 du Code civil). Un manquement à cette obligation constitue une faute de l’employeur.
- L’employeur a l’obligation de préserver son employé de toute situation constitutive de harcèlement moral, dont relève la mise au placard (articles L. 1152-1 et suivants du Code du travail).
Que faut-il faire quand on est mis au placard ?
Face à une placardisation, l’employé a trois solutions. Dans tous les cas, c’est à lui et à lui seul qu’appartient la décision de quitter l’entreprise.
- L’employé décide que rester dans l’entreprise n’est plus possible et entrave sa carrière. Il souhaite tourner la page. En quel cas il présente à l’employeur le fait qu’il dispose d’un dossier de preuves de placardisation et propose une rupture conventionnelle, et négocie son indemnité (l’employé est victime, cela se paie).
- L’employé poursuit son employeur devant la justice des Prud’hommes, apporte la preuve de harcèlement moral, de dégradation des conditions de travail du salarié et d’atteinte à sa dignité. Si le Conseil des Prud’hommes reconnaît la faute de l’employeur, il prendra acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur et condamnera l’employeur pour harcèlement moral. L’employeur est alors condamné envers le salarié au paiement de sommes importantes. Ces sommes sont comprises entre 6 mois et deux ans de salaires.
- L’employé décide de rester, fait des démarches pour améliorer la situation et si les discussions n’aboutissent pas, il peut poursuivre aux Prud’hommes son employeur, qui devra lui verser des indemnités et le réinstaurer dans ses fonctions et responsabilités d’avant la mise au placard si cela est envisageable.