L’agression verbale au travail peut survenir à n’importe quel moment et entre n’importe quels individus, peu importe le lien hiérarchique. Entre collègues, entre responsable et subordonné, par une personne extérieure ou un client…
Une étude de 2014 montrait qu'un salarié sur deux se disait victime de violence verbale sur son lieu de travail. On sait que depuis ce chiffre ne cesse d’augmenter.
Définition de l’agression verbale
Une violence verbale (ou abus verbal, ou agression verbale) est une attaque verbale (sans contact physique) visant directement une personne dans le but de l’insulter, de la blesser, de la menacer, de la provoquer ou de la harceler
La violence verbale peut être de vive voix ou (plus rarement) par écrit. Elle peut intervenir en présence de témoins (en réunion par exemple ou sur les réseaux sociaux) ou en tête à tête.
La violence verbale est généralement l’expression d’une frustration, d’un conflit au travail, d’une situation de harcèlement, d’un burn-out ...
On considère que des paroles peuvent constituer un acte de violence dans la mesure où elles ont selon les circonstances le pouvoir d’affecter significativement la victime : baisse de l’estime de soi, stress émotionnel, et la santé physique.
Les personnes victimes peuvent souffrir de dépression clinique et de trouble de stress post-traumatique.
L’abus verbal : à quoi joue le provocateur ?
L’agression verbale est considérée comme une violence psychologique et une atteinte à l’individu. Dans un cadre professionnel, une agression verbale est également assimilée à une atteinte au rôle et à la fonction d’une personne.
En psychologie on distingue plusieurs types d’abus verbal selon le profil de la personne qui s’en rend coupable. Du moins grave au plus grave :
- Une maladresse ou un flou sur les convenances sociales : la personne qui agresse verbalement ne se rend pas compte de l’étiquette ou ses paroles ont dépassé sa pensée, à l’occasion d’un coup de sang ou d’une soirée entre collègues…
- Sexisme ou racisme "ordinaires" : malheureusement les préconçus ont la vie dure et des perceptions douteuses à cause du sexe, de l'orientation sexuelle, de la religion, de l'apparence physique, du handicap, peuvent échapper au filtre social. Ce qui ne les excuse pas !
- Une provocation au conflit physique : dans certains milieux professionnels un peu « virils », certains employés peuvent être tentés d’en venir aux mains à l’occasion d’un conflit sur le terrain et dans un cas de stress ou de danger imminent. L’agression verbale est alors incitative au conflit physique.
- Une démarche volontaire pour se faire licencier : à court de ressources, d’imagination ou de bon sens, certaines personnes peuvent être tentées de recourir à l’abus verbal sur leur lieu de travail en vue de se faire licencier et de ne pas avoir à démissionner.
- Dans le cadre d’un lien de contrôle/domination, qui devient encore plus grave lorsqu’il y a lien hiérarchique au travail : un cas classique de l’abus de pouvoir. Le coupable peut abuser de ses fonctions envers ses subordonnés ou envers les clients et outrepasser les limites.
- Un trouble narcissique et pervers : une personnalité perverse narcissique aime les conflits et cherche toutes les occasions pour escalader la situation et aller au conflit. Malheureusement ce genre de personnalités est de plus en plus répandu.
Exemples d’agressions verbales au travail
Voici quelques exemples de rapport d’agression verbale :
Type d'agressions verbales | Exemples |
---|---|
Agression ou attaque personnelle | « Tu devrais passer moins de temps à manger et plus à travailler. » « Vous les femmes vous devriez faire la vaisselle pas être managers. » « Tu devrais prendre ta retraite tu es trop vieux pour diriger » |
Contrainte dans le but de soumettre Menace | « Restez après 19 h, il y a encore du travail, je me fiche de votre vie de famille »« J’annule votre congé prévu demain j’ai besoin de vous sans discussion. » « Allez chercher mes enfants à l’école, vous êtes secrétaire c’est votre travail. » « Si vous ne me remettez pas ce rapport à 17 h précises vous êtes viré ». |
Propos haineux | « Je ne veux pas partager mon bureau avec un homosexuel. » « Les musulmans ne devraient pas avoir droit à un congé de Noël ». « Il est trop bête pour me dire comment faire mon travail. » |
Accusations | « Vous avez fait faire ce travail par votre stagiaire ». « Vous mentez ces chiffres sont faux. » « Je vous ai vu utiliser la carte d’entreprise pour faire vos courses personnelles ». « Il a piqué le travail de X en manipulant le responsable ». |
Mépris ou indifférence | « Ton avis tu peux le garder ». « Si vous vouliez bien cesser de monopoliser la parole pour ne rien dire ». « Pousse-toi de là il y a des gens qui travaillent » « Vous devez votre salaire à votre joli sourire ». |
Atteinte publique à l’image | « Il ne prend pas de douche tous les jours vu les odeurs dans son bureau ». « Sa femme le trompe, comment ses employés pourraient lui être fidèles. » « Il paraît qu’elle est alcoolique. » |
Interruptions | « Oui, bon excuse-moi, mais tu as déjà assez parlé » « Non ces informations sont obsolètes on passe à autre chose ». « Tu n’as pas assez creusé le sujet, tu ne sais pas de quoi tu parles » « Concentre-toi plutôt sur ton service »… |
Surnoms humiliants | « Le lèche-bottes » « Le spécialiste des arrêts -maladie » « L’œil de Moscou » « Le tire au flanc » |
Formation Qualité de Vie au Travail (QVT) & Risques psychosociaux (RPS)
Nous vous aidons dans votre rôle de représentant du personnel. Exemples de thématique :
- Rôle du CSE en cas d’accident du travail et de maladie professionnelle
- Que faire lorsque les membres du CSE se sentent démunis ou non écoutés
- Outils à utiliser pour une démarche de prévention
- Comment lutter contre les souffrances au travail
Violence verbale : pourquoi c’est grave ?
Malheureusement, l’abus verbal est très commun, que ce soit sans la présence de témoins, ou avec les réseaux sociaux comme « scène de théâtre » pour commettre des attaques répétées.
La nuisance de la violence verbale est très sous-estimée, car elle peut faire beaucoup plus de mal qu’un coup : salariés poussés au suicide, stress post-traumatique…
Sur le long terme et sur une personne jeune ou fragile psychologiquement, l’abus verbal répété peut ruiner l’estime de soi et créer un complexe d’infériorité pathologique, et annuler tout espoir de progression professionnelle.
Bien sûr tout dépend de la « Solidité psychologique » de la victime. Certains subissent le harcèlement des années sans réagir, d’autres y mettent un terme tout de suite.
Mais la position hiérarchique de celui qui agresse est un élément crucial : il est souvent plus « facile » de reprendre un collègue que de reprendre un PDG de grande entreprise… Les circonstances et les positions dans l’organigramme de chacun sont importantes, même si aucun poste n’excuse ce genre de comportement.
Que dit la Loi sur les agressions verbales au travail ?
Juridiquement, la violence verbale n’est pas condamnable en tant que telle (agression verbale Code pénal).
Cependant les circonstances peuvent l’être, en particulier dans le cas du harcèlement psychologique qui est reconnu par le Code du travail ou des propos discriminatoires. Le harcèlement moral est réprimé par l’article L1152-1 du Code du travail.
Pénalement, l’incitation à la haine est également reconnue et condamnable.
Les sanctions juridiques pour injures et agression verbale au travail sont prévues par l’article L1152-1 du Code du travail.
De son côté, l’injure privée ou publique est punie par la loi (articles R. 621 à R. 625 du Code pénal), qu’elle soit raciste, sexiste, homophobe, portant atteinte aux personnes handicapées (loi du 19 juillet 1881)… Du point de vue pénal, l’injure est qualifiée par un outrage verbal appuyé sur aucun fait ou événement précis et formulé dans le but de nuire aux personnes.
La diffamation est à peu de choses près la même chose, à ceci près qu’un fait ou événement précis est reproché.
Les menaces de violences (article R. 623-1 du Code pénal) et les menaces de crime ou délit contre les personnes sont punies d’une peine pouvant aller jusqu’à 2 ans d’emprisonnement (articles 222-17 et 222-18-1 du Code pénal). Les menaces de mort constituent un délit puni d’une peine pouvant aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende (articles 222-17 et 222-18 du Code pénal).
Bien entendu, des menaces de mort proférées par un employé envers son employeur avec intention de nuire établissent un cas de faute lourde pouvant entraîner le licenciement.
Que faire en cas de violence verbale au travail ?
Il est indispensable, et c’est d’ailleurs un point ajouté au Règlement intérieur des entreprises, de respecter ses collaborateurs et de ne pas tenir de propos discriminatoires ou portant atteinte à la dignité de la personne.
C’est pourquoi les situations de harcèlement moral ou d’agressions verbales entre collaborateurs doivent impérativement être adressées et signalées.
Quelle est la procédure en cas d’agression au travail ?
La première étape consiste à reconnaître que la violence verbale est au moins aussi grave que la violence physique et peut faire de gros dégâts. Ne minimisez jamais les dégâts causés par de « simples mots ». Faire de l’éducation et de la prévention au sein de l’entreprise en ce sens est important.
Ensuite il faut établir clairement les limites à ne pas dépasser, quel que soit l’exposition au stress ou le poste hiérarchique. Personne n’a de privilège verbal sur les collègues.
En tant qu’employeur, le représentant RH ou le dirigeant a une obligation de protection des salariés et stagiaires. Cette obligation de protection est accompagnée d’une obligation de prévention de faits d’agression verbale (article L1152-4 du Code du travail).
L’employeur est obligé de déclencher une enquête interne. L’article L1152-6 du Code du travail autorise qu’une procédure de médiation soit mise en œuvre pour régler le litige, laissant la possibilité à la victime de se retirer d’un face-à-face.
En cas d’agression par une personne extérieure, faites remonter l’information à votre employeur qui devra prendre les mesures nécessaires. Vous pouvez également porter l’affaire au pénal.
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- Réagir à un signalement de harcèlement
- Les formes de harcèlement moral et sexuel
- La responsabilité de l’employeur et risques
Agression verbale au travail par un collègue : que faire en tant que membre du CSE ?
Conseillez à la victime de lister tous les actes de violence verbale dont elle a été victime, en consignant les dates et les éventuels témoins ainsi que les preuves (lettre d’agression verbale au travail ou des emails par exemple). Cela pourra être utile pour constituer un dossier.
Le CSE et la médecine du travail peuvent être saisis pour mener une enquête et obliger l’employeur à agir.
Enfin la violence doit être escaladée et signalée et la victime adressée à des spécialistes capables de l’aider, que ce soit du point de vue juridique ou psychologique.
La victime d’agression verbale peut appeler le 116 006. Elle pourra être aidée anonymement et orientée vers différentes associations spécialisées.
Agression verbale au travail : sanctions disciplinaires
La violence verbale et toute forme de harcèlement feront immédiatement l’objet d’enquête et de mesures disciplinaires. Il peut selon les circonstances et l’intensité des menaces proférées, s’agir :
Un avertissement ou un blâme, dans le cas d’un « dérapage » isolé et non discriminatoire.
Une qualification en faute grave ou faute lourde et un licenciement disciplinaire assorti d’une mise à pied conservatoire en cas de violences verbales répétées, de discrimination, ou de menaces accompagnées d’injures. Pour une faute lourde, l’employeur devra établir l’intention de nuire à l’entreprise et l’impossibilité de conserver le salarié au sein de l’entreprise.
Dès lors qu’il existe des preuves matérielles (emails, réseaux sociaux…) ou que les violences verbales sont suffisamment graves ou répétées, c’est la responsabilité pénale de l’agresseur qui est engagée, en plus d’un licenciement. Les poursuites pénales peuvent être engagées par la victime, par l’employeur, ou par le procureur.
Que faire si c’est l’employeur qui est l’agresseur ?
Si c’est l’employeur qui est l’auteur des violences verbales, le recours en externe peut se faire par le biais du conseil de prud’hommes et par le biais de la juridiction pénale, dans un délai de 3 ans suivant les faits.
Si c’est l’employeur qui est directement responsable des violences verbales (de son fait ou en laissant faire un salarié), il sera condamné par les Prud’hommes à prononcer un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à indemniser le salarié pour le préjudice subi.
L’employeur pourra également être poursuivi au pénal pour manquement à son obligation de prévention d’atteinte à la santé et à la sécurité des travailleurs.
Avis de non responsabilité : Cet article de blog est destiné à des fins d'information uniquement et ne constitue pas des conseils juridiques spécifiques. Les lecteurs doivent discuter de leur situation particulière avec un avocat ou professionnel du droit.